Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

L'islam de France Entre Gauche et Conservatisme
--> Xavier Ternisien - Le Monde - Samedi 1 Mars 2003

A ceux qui déplorent un peu vite les scléroses dont souffrirait la
pensée musulmane, plusieurs travaux intellectuels récents viennent
apporter une réponse, témoignant de la vitalité d'une réflexion qui
s'élabore sous nos yeux, en Occident. Ces constructions
intellectuelles se donnent pour but explicite de penser cet accident
de l'histoire : la présence d'une minorité musulmane dans un Etat
laïque et une société sécularisée de culture chrétienne.

 

Un clivage se dessine entre deux approches : d'une part, les
partisans d'un aménagement du fiqh (droit musulman) en fonction du
contexte des sociétés européennes ; d'autre part, les tenants d'une
vision dynamique et globale, qui fasse évoluer la théologie islamique
dans son ensemble et, par contre-coup, les sociétés musulmanes.

Dans le premier camp se situent les promoteurs d'un fiqh de minorité,
ou même d'une "charia de minorité", expression lancée par l'imam de
Bordeaux, Tareq Oubrou. Charia étant entendue au sens de "voie
musulmane" ou, comme le spécifie son auteur, au sens de "dimension
exotérique de l'islam", incluant à la fois le culte, la morale et le
droit. Dès 1998, dans la défunte revue Islam de France (n° 2), Tareq
Oubrou défendait cette approche fondée sur "l'exceptionnalité
canonique" : celle d'une "charia intégratrice, qui ne se pose pas en
rupture".

Depuis lors, le "Cheikh Oubrou" a affiné sa pensée, notamment dans
l'ouvrage d'entretiens qu'il a signé avec la sociologue Leïla Babès,
Loi d'Allah, loi des hommes (Albin Michel, 2001). Progressivement, il
en vient à esquisser les contours de ce qu'il nomme avec humour
le "smic spirituel", c'est-à-dire le minimum que les musulmans
peuvent pratiquer en Occident sans contrevenir à l'essentiel de leur
foi.

A un niveau plus institutionnel, la méthode du Conseil européen pour
la fatwa et la recherche se réclame aussi du fiqh de minorité. Cet
organisme est lié à l'Union des organisations islamiques en Europe
(UOIE), qui est la maison mère de l'Union des organisations
islamiques de France (UOIF). Composé d'une trentaine d'oulémas - dont
seulement cinq habitent en France - et présidé par le Qatari Youssouf
Al-Qardawi, le Conseil est chargé de rendre des avis juridiques sur
les questions soulevées par la présence des musulmans en Europe.

REFUS DE L'APPROCHE BINAIRE

Un premier Recueil de fatwas a été publié aux éditions Tawhid.
D'autres avis ont été rendus entre-temps et devraient être bientôt
traduits en français : l'un d'eux légitime le prêt à intérêt pour un
musulman désireux de s'acheter une maison. Un autre autorise une
femme convertie à l'islam à rester mariée à son mari non musulman,
contrairement à la règle selon laquelle une musulmane ne peut épouser
un non-musulman.

On peut ranger dans le deuxième camp l'intellectuel suisse Tariq
Ramadan. Dans son dernier ouvrage publié, intitulé Les Musulmans
d'Occident et l'avenir de l'islam (Sindbad), il continue de poser les
bases d'une identité musulmane européenne, travail qu'il avait
commencé en 1999 avec la parution d'Etre musulman européen (Tawhid).
Le cœur de la pensée de Tariq Ramadan est le refus de "l'approche
binaire" que contient, selon lui, la notion de minorité, opposant "
eux et nous". L'intellectuel helvétique prône une démarche de type
universaliste, un "principe d'intégration", qui consiste à
s'approprier "le bien -d'une société- d'où qu'il vienne". Il critique
la démarche de la charia de minorité, dans laquelle il voit
une "obsession du fiqh", un "bricolage sans vision globale".

Les positions de Tariq Ramadan sont hardies. A plusieurs reprises, il
se situe à contre-courant de l'opinion dominante dans certaines
fédérations musulmanes, qui pourraient être tentées d'intervenir dans
le champ politique. Ainsi lorsqu'il prend position contre le
lobbying. Quand il exprime de fortes réserves à l'égard d'éventuelles
écoles privées musulmanes. Ou encore quand il dénonce vivement la
dépendance financière vis-à-vis des pays du Golfe, qui place les
musulmans dans "une posture d'assistés quémandeurs". Tous ceux qui
accusent rapidement Ramadan de communautarisme devraient commencer
par le lire. Comme le soulignait Michel Renard dans la revue Islam de
France (n° 7), "il faut lire Tariq Ramadan et oublier les procès
d'intention".

Une étude de Khadija Mohsen-Finan consacrée au prédicateur vedette
des jeunes musulmans, vient de paraître dans un ouvrage collectif
intitulé De la citoyenneté locale, publié par l'Institut français des
relations internationales (IFRI). Pour Mme Mohsen-Finan, la
prédication de Tariq Ramadan vient "combler un vide". La
réislamisation qu'il encourage s'apparente à une "religion du père,
sans le père", ce dernier étant "dévalorisé et en perte d'autorité".
La chercheuse à l'IFRI ne retient pas l'accusation de "double
langage" adressée parfois à Tariq Ramadan. De leur côté, les tenants
du fiqh de minorité pointent chez lui le risque d'une vision
maximaliste, voire totalisante, de l'islam.

En attendant un travail de fond qui pourrait venir d'un troisième
pôle, qu'on peut qualifier de libéral (pôle représenté, par exemple,
par le site Internet études-musulmanes.com de Rachid Benzine), la
réflexion sur l'islam en France s'organise provisoirement entre
les "deux Tariq", Oubrou et Ramadan. Tous deux ont en commun
d'affirmer qu'un travail sur l'islam en Occident ne peut s'élaborer
qu'à partir du terrain européen, si possible par des musulmans nés et
formés en Europe. En ce sens, tous deux prennent leurs distances avec
une structure exogène comme le Conseil européen pour la fatwa.

UN DÉBAT POLITIQUE

Au-delà des controverses sur le fiqh, le débat pourrait bien se
situer à un niveau politique. Tariq Ramadan met l'accent sur la
dimension horizontale de l'islam, sur la morale sociale et
l'engagement dans la cité. Il réalise une synthèse originale entre la
mouvance antimondialiste et un islam réformiste, tenté par un retour
aux origines, que certains qualifieront un peu vite de
fondamentaliste. Tareq Oubrou, pour sa part, s'attache davantage à
réfléchir sur la morale privée, la place de la femme. Cette position
le situe plutôt, sur l'échiquier politique, dans le camp des
conservateurs. L'imam de Bordeaux n'a pas hésité, d'ailleurs, à
appeler à voter en faveur d'Alain Juppé.

Oubrou tenant d'un islam de droite et Ramadan promoteur d'un islam de
gauche ? Le clivage refléterait les tensions qui traversent les
musulmans de France : les uns - les plus jeunes - s'exprimant sur le
mode de la contestation ; les autres illustrant cette constante de la
sociologie politique selon laquelle le vote conservateur augmente
avec la pratique religieuse

Ecrit par cyouss, le Lundi 23 Août 2004, 19:26 dans la rubrique .

Commentaires :

Wazza
18-07-05 à 15:19

Malhonnêteté intellectuel

La sécularisation de l’islam dans notre société, suivie de la profusion des discours et des informations concernant le monde musulman nous amène à nous interroger sur la place de l’intellectuel et plus précisément celui de l’intellectuel musulman dans notre société. Comment se positionne cet intellectuel dans le champ de l’intelligentsia ?

 

Déjà en 1985, l’islamologue Olivier Roy, mettait en relief l’attitude de l’intellectuel face à l’actualité, le chercheur ne peut être que le traducteur ou le médiateur expliquant une situation complexe. Cependant, face au spectaculaire, la simplification et la réaction trop brutale sont tentantes. Même l’institution universitaire s’est profondément modifiée en fonction de ces réalités, les thèses dit-il, se raccourcissent et sont moins suivies par les patrons. Publier et participer à des colloques ou à des émissions est devenu plus important que d’avoir tel ou tel poste d’enseignant. D’où une controverse : le chercheur ne choisit-il pas désormais son sujet non seulement par rapport à l’exploitation médiatique qui peut en être faite ? Explicitement visés sont ceux qui travaillent sur le monde musulman... N’y a t-il pas précisément contradiction entre le monde d’exposition des médias et celui de la recherche ? Entre l’événement et la structure, la description et l’analyse.

 

Ce que nous constatons, c’est qu’il existe des nouveaux penseurs qui abordent la thématique religieuse avec des références universitaires souvent fallacieuses. Il serait question finalement de nous interroger non pas sur le discours mais plutôt sur la légitimité de ces penseurs dans la cité. Doit on accepter des « universitaires » qui ne sont pas spécialistes de la question religieuse à prendre la parole aux côtés de grands islamologues. Doit on accepter de nous laisser guider par des novices opportunistes épris de notoriété à nos dépends ?

Doit on accepter la présence de ces racoleurs, colporteurs d’idées, des fantoches professionnels du mensonge dans nos universités et nos salles de conférences ?

Parce qu’il s’agit dans ce contexte de ne pas faire la langue de bois mais plutôt de réclamer la morale, l’éthique et surtout le respect vis-à-vis du public et des intellectuels.

Prenons le cas de Rachid Benzine, auteur du livre « Les nouveaux penseurs de l’islam », son parcours universitaire reste flou d’autant plus qu’il parait étonnant de passer de l’économie à la profession d’islamologue. A bien chercher, on découvre dans la presse que cet homme s’auto proclame « intellectuel », « islamologue », « professeur d’économie » et « maître de conférence en économie ».

Il serait titulaire d’un doctorat en Economie et de Science Politique, diplômé de Science Po et enseignant à l’université de Nanterre - Paris X.

Il prépare semble t-il sous la direction de Mohammed Arkoun (professeur émérite) une thèse en herméneutique coranique à Lyon II.

A lire tous ses diplômes on ne peut qu’applaudir la brillante réussite de Monsieur Benzine néanmoins des flous persistent. Si Monsieur Benzine est docteur en économie, quel est son sujet de thèse et donc sa spécialité (l’université ?) ? Si monsieur Benzine est diplômé de Science Po, quel diplôme a-t-il obtenu ? Si Monsieur Benzine est aujourd’hui inscrit en doctorat à l’université de Lyon II, est il devenu possible de s’inscrire dans un cursus d’étude théologique avec pour spécialité l’économie ? Donc est ce une thèse ou plutôt un livre que prépare monsieur Benzine, si c’est le cas, sa stratégie marketing est remarquable.

Si Monsieur Benzine fait des conférences sur la relecture du Coran, c’est qu’il doit avoir fait au préalable des études dans ce sens, lesquelles ? Et peut on s’atteler à l’étude du Coran sans avoir une solide connaissance de l’arabe ?

 

Toutes ces questions ne sont pas contre monsieur Benzine, il s’agit davantage d’analyser ce vers quoi tend aujourd’hui le rôle, la place, l’intérêt mais surtout la définition que la société donne à l’intellectuel et par conséquent les « connaissances » qu’elle introduit dans le milieu universitaire.

Cf : Journal Hebdo, Telquel, Femme du Maroc (mars 2004) etc…