Joueb.com
Envie de créer un weblog ?
Soutenez le Secours populaire
ViaBloga
Le nec plus ultra pour créer un site web.
Débarrassez vous de cette publicité : participez ! :O)

Les deux réponses au vide cosmique
--> Malek Bennabi

Malek Bennabi, penseur du XXème siècle et héritier de Jama'at Oulémas
de Ibn Badis développa une analyse pertinente sur la décadence de la
pensée islamique. Il fit de nombreux séjour en Europe durant les
trente glorieuses et préféra à la chaire universitaire
l'alphabétisation de ses frères venus travailler en France.
Bien que ses idées aient influencé de nombreux cadres associatifs
musulmans en particulier les étudiants venus du Maghreb, Malek
Bennabi reste un auteur encore trop méconnu. C'est pourquoi, nous
vous proposons un texte tiré d'une de ses œuvres : Le problème des
idées dans le monde musulman dans lequel il décrit la nature
civilisationnelle de l'Islam et de l'Occident.

Abandonné à sa solitude, l'homme se sent assailli d'un sentiment de
vide cosmique.
C'est sa façon de remplir ce vide qui déterminera le type de sa
culture et de sa civilisation, c'est -à- dire tous les caractères
internes et externes de sa vocation historique.

Il y a essentiellement deux manières de le faire: regarder à ses
pieds, vers la terre, ou lever les yeux vers le ciel.
L'un peuplera sa solitude de choses. Son regard dominateur veut
posséder.
L'autre peuplera sa solitude d'idées. Son regard interrogateur est en
quête de vérité.
Ainsi naissent deux types de culture : une culture empire, aux
racines techniques et une culture de civilisation aux racines éthique
et métaphysiques.
Le phénomène religieux apparaît là où l'homme dirige son regard vers
le ciel. C'est là qu'apparaît le prophète : l'homme de la mission, du
message, l'homme qui à des idées à communiquer, comme Jérémie, Jésus,
Mohamed.
L'Europe, berceau de tant de grands hommes, semble exclue cependant
du phénomène religieux au niveau de ces messagers, comme si la nature
de l'Européen, trop plein de son humanité, ne laisse pas de place au
divin.
Par contre, le sémite semble voué à la métaphysique. Le divin laisse
en lui peu de place aux préoccupations terrestres.

A mi-chemin, entre le Sémite et L'Aryen nordique, le grec peuplera
son univers de formes. Il remplira sa solitude du sentiment du Beau
qu'il finira par appeler le Bien comme le notait TOLSTOI dans ses
profondes réflexions sur l'art.
En gros, l'Europe fera, dans sa culture, la synthèse des choses et
des formes, de la technique et de l'esthétique.Tandis que l'Orient
musulman fera la synthèse des deux idées : du vrai et du bien.

Ce schéma ne correspond pas à une certaine phase de l'histoire, dont
le pendule marque de ses deux battements, les diastoles et les
sistoles de la civilisation universelle.Tantôt, c'est l'apogée d'une
culture et le périgée de l'autre et tantôt c'est l'inverse, en
marquant dans les phases intermédiaire les moments de fécondation
mutuelle qui sont aussi des moments de confusion, aux époques des
Babels historiques comme le Babel du XXe.
C'est tantôt l'apogée de la civilisation où les choses sont centrées
autour de l'idée et tantôt l'apogée de la civilisation où les idées
sont centrées sur la chose.
Cet aspect apparaît nettement là où l'esprit s'exprime le plus
librement, le plus spontanément, sans détours, ni souterrains
rhétoriques, en communication directe avec les racines d'une culture.

C'est surtout la littérature populaire qui est révélatrice à cet
égard. Ou bien, une littérature même sophistiquée qui garde néanmoins
ce caractère populaire par la nature de son thème.
Rien n'est plus révélateur, dans le genre littéraire que le conte.
On peut, pour illustrer ce qui ce précède, en prendre deux : celui de
ROBINSON CRUSOE et celui de HAYY IBN YAQDHAN.
Ces deux solitaires sont, en effet, les deux illustrations les plus
parfaites des deux types de culture.

C'est à partir d'une table rase de moyens (de choses) que Daniel de
FOE fait partir l'aventure de son héros.
C'est à partir d'une table d'idées que commence l'aventure du héros
d'IBN TOFAIL.
Tout le génie des deux contes réside dans la manière dont leurs
auteurs remplissent le temps de leur solitaire respectif.

Voici, l'emploi du temps, d'une journée de ROBINSON CRUSOE sur l'île
où il échoue, après son naufrage :
" Je commençai -écrit-il dans son journal de bord, à " régler mon
temps de travail et de sortie ; mon temps de repos et de récréation,
et suivant cette règle que je continuai d'observer, le matin, s'il ne
pleuvait pas ; je sortais avec mon fusil pour deux ou trois heures ;
je travaillai ensuite jusqu'à onze heures environ ; puis je mangeai
ce que je pouvais avoir ; de midi à deux heures je me couchais pour
dormir à cause de la chaleur accablante et dans la soirée je me
remettais à l'ouvrage. Tout mon temps de ce jour-là et du jour
suivant fut employé à me faire une TABLE ; car je n'étais alors qu'un
triste ouvrier mais bientôt après le temps et la nécessité firent de
moi un parfait artisan … "
Voilà donc une tranche de temps de ROBINSON CRUSOE, dans la solitude
de son île .Le temps est d'abord lui-même coulé en actes concrets-
manger , dormir, travailler dont le caractère particulier
comptabilise tous les instants au profit d'une économie personnelle
strictement utilitaire.
ROBINSON surmonte l'angoisse de la solitude par le travail.
Pendant ce temps- cette journée - tout cet univers d'idées s'est
centré autour d'une " chose ", la table qui se voulait faire.
Pour Hayy Ibn Yaqdhan, l'aventure de la solitude à une autre tournure.
Elle ne commence réellement après la mort de la gazelle, mère adoptif
de l'enfant solitaire : " Enfin, elle (la gazelle) devient vielle et
s'affaiblit. Il la conduisit à de grand pâturage, il lui cueillit et
lui fit manger de touts fruits. Mais sa faiblesse et sa maigreur
augmentèrent et la mort survint. Enfin, tous ses mouvements et toutes
ses fonctions s'arrêtèrent. Quand il la vit dans cette état ; le
jeune garçon fut saisi d'émotion violente ; et de douleur, peu s'en
fallut que son âme s'exaltât.(…) Il lui examinait les oreilles et les=

yeux sans y apercevoir aucun dommage apparent ; il lui examinait de
même tous ses membres sans en trouver aucun qui fût endommagé. Il
désirait ardemment découvrir la place du mal pour en délivrer, afin
qu'elle revint à l'état où la se trouvait auparavant ; mais rien de
tel ne s'offrait à lui, et il était impuissant à lui porter secours
… " (1)
Hayy Ibn Yaqdhan ne trouva pas " la place du mal ". Mais Ibn Tofail
nous fera suivre l'ascension de son esprit qui, lui fera découvrir,
peu à peu, " âme " et ensuite " l'immortalité de l'âme " et enfin "
idée d'un protecteur ".
A partir de là l'aventure se poursuivra comme une méditation qui
permettre à Hayy Ibn Yaqdhan d'accéder, après plusieurs échecs, à la
perception de l'ordre Divin, à une vision intérieure de Dieu et à la
conception de ses attributs.
Le temps est ici écoulé par les phrases de cette ascension de
l'esprit jusqu'au moment assez semblable à celui du ZARATHOUSTRA de
NIETZSCHE quand il descendra de sa montagne porter son message .Il
ira, lui, avec un compagnon de fortune, Açâl, porter aux concitoyens
et ses sujets du sage SALAMANE le fruit de sa réflexion.

L'univers est ici celui où les choses sont centrées autour de
l'idée .HAYY Ibn Yaqdhan surmonte l'angoisse de la solitude, non pas
en confectionnant une table, mais en construisant, en découvrant des
idées. C'est un univers où le temps n'est pas minuté au profit de
quelque " chose ".
Au dernier congrès de sociologie de Varna. Le professeur SICARD
n'avait pas tout à fait tort, sans être tout à fait juste dans
l'interprétation, de remarquer " le temps industriel continu ne
laissant jamais la personne isolée face à elle-même " par rapport au
temps discontinu dans les temps du Tiers Monde.
Quiconque s'est trouvé inséré dans un processus de production
industrielle sait, en effet, que la machine qui produit et la "
chose " produite ne laissant pas à l'homme " une minute à soi ",
aucune vanité, aucune disponibilité psychique.
La journée de Robinson Crusoé a été remplie par une " table ".
Le professeur Sicard a encore raison dans la remarque, tort dans son
interprétation, quand il note, par opposition, la discontinuité du
temps dans les pays en voie de développement.
Cette discontinuité lui apparaît sous forme " innombrables vides,
unissant si l'on peut dire les instants de vie ".
S'il nous le permettait, nous dirions volontiers que son analyse
objectivement juste et nous avons signalé nous même le phénomène de
dé temporalisation de la durée dans le monde musulman actuel (2)-nous
révèle précisément la racine culturelle à laquelle nous faisons
allusion plus haut.
En effet, pour le professeur Sicard le temps n'est comptabilisé que
dans l'univers des choses et la vie elle-même ne semble avoir de sens
que lorsque ses " instants " sont coulés, par exemple, dans la table
de Robinson Crusoé.
Il y a évidemment là un excès de temporalisation dont la société
occidentale peut mesurer aujourd'hui les désastreux effets. Les pays
musulmans doivent sans doute, savoir estimer dans leur " culture "
(entre guillemets) actuelle les effets négatifs de l'excès contraire,
celui de l'excès de la temporisation dont on peut tout à fait
apprécier aujourd'hui l'envers dans les pays industriels !
Mais en signalant ici, ces deux excès nous savons que nous saisissons
deux cultures à leur moment de périgée. C'est ce qui a échappé, au
congrès de sociologie de Varna, professeur Sicard. Et, précisément,
parce que la société occidentale ignore la loi des deux battements -
systole, diastole - de l'histoire.
Quoiqu'il en soit, l'Europe a été, avant Lucrèce et après, avant
Planck et après, la terre d'élection de la pensée quantique, du
positivisme d'Auguste Comte, du matérialisme de Marx.

La pensée occidentale semble essentiellement graviter autour du
pondéral, du quantitatif. Quand elle dévie vers l'excès, elle aboutit
fatalement au matérialisme sous ses deux formes : la forme bourgeoise
de la société de consommation et de la forme dialectique de la
société soviétique.

La pensée musulmane quand elle est à son périgée, comme elle l'est
actuellement, sombre dans le mysticisme, le vague, le flou,
l'imprécision, le mimétisme, l'engouement pour la " chose " de
l'Occident.

Mais ce n'est pas son orbite originelle. A l'origine quand le Coran
lui a donné l'impulsion initiale, elle a essentiellement gravité
autour d'une idée qui se fait tour à tour amour du Bien ou horreur du
Mal.
C'est cela la vocation de l'esprit musulman : " vous êtes la
meilleure nation, suscitée parmi les peuples : vous faites le bien et
réprimez le mal ". Coran
Dans les grandes comme dans les plus humbles circonstances, le
musulman est assigné à cette mission.
Le partage d'une succession, au décès d'une personne, est sans doute
une circonstance commune.
Voici que qu'en dit le Coran :
" Et si des parents, des orphelins, des pauvres sont présents au
partage donnez leur en … "IV, 8.
Voilà une disposition qui pourrait figurer, nous dirait-on, dans tout
droit civil " progressiste ".C'est exact.
Mais le Coran veut davantage .Il ne veut pas d'une société qui
distribue seulement les " biens " comme une machine des jetons.
La société de consommation pourrait le faire. La société musulmane
doit faire plus que distribuer des " biens " constituant une
succession ; elle doit distribuer, en même temps le " bien ". Et le
verset ci-dessus, que nous avons tronqué à dessein pour montrer ce
qu'il peut avoir avec une législation civile se termine par une autre
recommandation, une autre disposition ;
" …et dites leur une parole de bien … " Maintenant le verset es=
t
complet : distribuez des biens certes mais ajoutez y une pensée, un
mot, un geste qui traduisent votre sentiment, votre notion, votre
idée du bien.
Ce complément, purement moral, est inconcevable dans aucune
législation civile.
Il donne la liaison sociale issue de la pensée islamique un caractère
tel que ce qu'on appelle " les contradictions aux sein des
masses "serait un phénomène inexplicable dans la société musulmane.


(1) traduction de Léon GAUTHIER.
(2) Nous avons attiré l'attention sur cet aspect notamment dans Afro-
Asiatisme, ed. du Caire, 1956.

-----------

Le livre de Ibn Tufayl s’appelle en arabe Hayy ibn
Yaqdhan et vs pouvez en trouver 1 trad. en français par Léon Gauthier
sous le titre Le Philosophe autodidacte, éd. Mille et une nuits, 1999
(160 p. / 3, 51 euros)

 


Ecrit par cyouss, le Lundi 23 Août 2004, 19:33 dans la rubrique .

Commentaires :

Anonyme
08-11-05 à 22:53

URGENT renseignement pour un Hommage (17/12/05) à Paris

Bonsoir,
As Salem Alaïkum,

Madame, Monsieur,

Nous avons plaisir à vous informer de notre projet d'une journée de rencontre en hommage aux musulmans célèbres d'Europe. Cette journée prévue le 17 décembre 2005, à Paris, est la troisième* que nous tenons depuis le décès du Professeur Muhammad Hamidullah (1908-2002), qui nous a fait prendre conscience de la nécessité de mener une telle action.

Le collectif Hamidullah est naissant. Il est animé par un petit groupe d'admirateurs de l'exemple et de l'oeuvre du professeur Hamidullah. Il estime que les travaux des musulmans célèbres d'Europe font partie intégrante de notre patrimoine culturel. Et il s'est donné pour objet de contribuer à la collecte, la préservation et la promotion de ses oeuvres dont beaucoup sont aujourd'hui difficiles à trouver. Si l'exemple de Hamidullah sert de catalyseur à cette initiative, l'intérêt du Collectif s'étend à l'ensemble de ses contemporains, de ses prédécesseurs et de ses successeurs dont les travaux et les actions ont contribué à affirmer la présence musulmane en Europe.

C'est pourquoi, lors de notre prochaine rencontre, nous souhaitons vivement inviter Monsieur le Ministre Ahmed Taleb-Ibrahimi ainsi que Mme BENNABI (fille de Malek Bennabi) pour témoigner autour de la personnalité et l'oeuvre de notre regretté Professeur Malek BENNABI. De ce fait, nous vous serions reconnaissants de nous transmettre leurs contacts ou/et éventuellement leurs cordonnées (Mobil, Tél., email et adresse postale).

Notre souhait est de faire connaître les aspects humains et l'esprit d'engagement qui caractérisent la personnalité et l'oeuvre de chacune des personnes annoncées au cours de cette journée. Nous aimerions faire de cet hommage une occasion de rencontre et de partage. Nous projetons une autre rencontre à caractère scientifique pour le mois de mai 2006.

Nous avons conscience du peu de temps qui nous sépare du 17 décembre 2005. Nous vous serions donc reconnaissants de nous donner une réponse dans les meilleurs délais. Cela nous sera d'une grande utilité dans l'élaboration de notre programme définitif.


La journée du 17 décembre se déroulera autour de trois personnalités.

Personnalité : Malek BENNABI
Intervenants prévus pour présentation de l’œuvre et de la personnalité
M. Ahmed Taleb Ibrahimi (Algérie) et Mme BENNABI (USA)

Personnalité : Eva de VITRAY-MEYEROVITCH
Intervenant : Eric Geoffroy (Strasbourg)

Personnalité : Muhammad HAMIDULLAH
Intervenants : Dr. Yusuf Ziya Kavakci (USA) (http://iant.com/m_hamidullah.php) et Omar Othmani (Maroc)

Elle sera aussi ponctuée par des hommages rendus aux personnalités disparues au cours de l’année 2005.

Abdelhalim Jean-Loup Herbert, Vincent-Mansour Monteil, Abdelhamid Bouzouina et Martin Lings

Dans l'attente de votre réponse, nous vous adressons nos fraternelles salutations.

Bien à vous,
Melle Hayette
Collectifhamidullah@yahoo.fr
Promouvoir le patrimoine intellectuel de l’islam en Europe